Comme tout le monde, je suis tenté par la vitesse
Le lièvre tentera toujours plus que la tortue.
Malgré la mise en garde de La Fontaine.
Et malgré l’empathie que j’éprouve pour les tortues Herman qui ont péri dans les incendies de l’an dernier dans le Var.
« Les Grecs étaient fascinés par le beau, les Egyptiens par le durable et notre époque par la vitesse »
Cette dame a travaillé pour Maria Montessori
En France
Elle s’appelle Hélène Lubianska de Lenval
Et a écrit cela en 1948.
Que dirait-elle aujourd’hui ?
En me regardant, je ne peux qu’acquiescer.
Que dire face à la sagesse ?
Prendre le temps de tout comprendre au risque de se faire battre ou envahir par l’autre par manque de vitesse et d’agilité.
La prudence nous empêche de trancher.
Et c’est ce qui fera dire à un sage italien, gravé dans son palais :
“Festina lente - Hâte-toi lentement.”
Ou à cette mère d’élève :
“Chez nous on dit : Vous avez les montres - on a le temps !”
Nous avons besoin des deux.
Moi aussi je regarde les vidéos en vitesse x2
Cela me procure un sentiment de puissance.
Je peux voir le double de vidéos.
Quantitativement, le résultat est alléchant.
De même en lecture
Lire vite, sauter des lignes, avoir l’oeil bien en avance sur le texte.
Quelle prouesse pour lire la presse.
Mais je me suis rendu compte que je devenais amnésique
Je n’en avais aucune mémorisation durable.
Je retenais peu de choses - quelques éléments en surface.
Cette connaissance ne changeait pas ma pratique, ma manière de faire ou de penser.
Cela les avait effleurées, à peine.
Alors je pensais à l’histoire de Marcel Pagnol
Quand il se trouvait sur le point culminant de Marseille, auprès de la Bonne Mère
Il aimait raconter cette anecdote d’un enfant qui, regardant la vaste étendue de la mer, disait à son père :
“Qu’est-ce qu’il y en a de l’eau papa !”
Et lui de répondre : “et encore, ce n’est que la surface que l’on voit” !
Pour faire un travail en conscience
Il faut ralentir pour creuser.
Il est possible de traiter l'information rapidement.
Mais cela ne vous transformera pas.
Ces paroles ne vous habiteront pas.
Elles ne changeront pas votre vie.
Et l’ordinateur, un jour ou l’autre, le fera mieux que vous.
« Si les mots doivent servir de corps à la pensée il faut accepter la durée de la gestation : ne jamais houspiller l’enfant pour qu’il réponde vite, mais lui donner l’habitude de bien réfléchir avant de parler ».[1]
[1] L’éducation de l’homme conscient, Hélène Lubianska de Lenval
Et quant aux vidéos
Les travaux des chercheurs Aalioui, Gouzi & Tricot en 2021 ont trouvé ce qui permettait d’obtenir un gain d’apprentissage face à la vidéo.
Ils ont mené leurs expériences lors du covid avec l’enseignement à distance et ont analysé les vidéos créés pour transmettre un contenu.
Ce n’est pas de faire un guidage oculaire sur le contenu dont parle le professeur.
Ni de mettre de la musique.
Ni même d’ajouter des sous-titres.
Mais de faire des pauses.
Plus il y avait de pauses dans la vidéo, d’arrêts, plus la rétention long terme d’informations était grande.
Prenons donc le temps de lire et de nous arrêter
De discuter de ce que nous lisons et de ce que nous voyons.
Des personnages et de leur caractère.
Des émotions et des informations.
Etudions les textes pour qu’ils nous habitent et viennent un jour nous éclairer.
Déchiffrons les vidéos pour ne pas en être esclave.
Et avec les enfants
Laissons les chercher les mots
Ne tournons pas les pages trop vite
Et ne nous lassons pas de leurs questions.
Bon mercredi !
à méditer... et appliquer !