Le vendredi 17 décembre
Les élèves ne sont pas allés à l’école.
L’équipe de professeurs s’est retrouvée pour une journée pédagogique.
Et cette journée-là, nous avons vécu un véritable conte de Noël.
Pas celui de Dickens, A Christmas Carol
Que nous avions présenter aux parents la veille.
Où les enfants mirent en scène la conversion d’un M. Scrooge avare,
Qui à la vue de son collègue Bob et de sa famille pauvre,
Tourne le bouton de son coeur et entre dans la joie de donner et de se donner.
Non, un autre conte de Noël qui n’avait jamais encore été écrit.
Celui d’aller rendre visite aux familles de nos élèves.
Nous sommes partis par groupe de 3,
Prendre le goûter l’après-midi auprès des familles de la cité des Lauriers-Corot-Malpassé,
Dans les quartiers nords de Marseille où nous enseignons.
Certaines avaient préparé notre venue
Avec générosité, rassemblant cousins et tantes autour de délicieuses pâtisseries.
Certains élèves avaient décoré leur chambre avec tous les objets et affiches en lien avec l’école, de crainte que l’on soit perdu :)
Et enfin, d’autres n’avaient pas forcément l’énergie de faire tout cela.
Elles nous ont juste ouvert la porte de leur appartement,
Dévoilant une habitation modeste, sombre, mal-rangée et sale.
Et pourtant, c’est là que de très beaux échanges ont eu lieu.
“Quand on est en difficulté, on nous rabaissent encore plus en nous ajoutant les difficultés de notre enfant, en nous pointant du doigt, en disant tout ce qui ne va pas.
Si je suis en difficulté, je ne l’ai pas choisi.
Moi aussi, je me souhaite beaucoup mieux que tout ce que je traîne.
Mais dans cette école, tout de suite, on m’a fait confiance.
On ne m’a pas jugée.
Quand quelqu’un fait quelque chose de bien, cela se voit.
On m’a montré qu’autre chose était possible pour mon enfant.
Il devait aller dans un ITEP à cause des troubles du comportement qu’il avait.
Et ici on m’a dit : on essaie, vous verrez, ça va marcher.
Et 4 ans plus tard, mon fils est toujours là, il suit une scolarité normale, il est même brillant et va rejoindre l’an prochain un collège privé.”
Il n’y avait rien pour nous accueillir cette après-midi là.
Ni thé à la menthe, ni fauteuil, ni lumière.
J’étais assis par terre pour recueillir des paroles qui venaient du coeur.
Et me laisser toucher par une présence humble.
“Il n’y a pas deux écoles comme la vôtre.
C’est un miracle que l’on se soit rencontrés.”
Nous levons les stores, la lumière entre, la vue sur les collines de Marseille se dégage.
Nous blaguons avec son fils unique qui a perdu son père avant la naissance et qui adore faire des farces à sa maman pour se distraire.
Nous parlons des randonnées faites dans les collines avec l’école.
Nous plions le linge ensemble.
Et le sourire revient.
Noël, c’est une visite.
Et comme dit le collègue de Scrooge :
“J’ai toujours regardé Noël comme un beau jour, un jour de bienveillance, de pardon, de charité, de plaisir, le seul dans le long calendrier de l’année, où je sache que tous les hommes et femmes semblent, par un consentement unanime, ouvrir librement les secrets de leurs coeurs et voir dans les gens au-dessous d’eux de vrais compagnons de voyage sur le chemin du tombeau. Aussi je répète : “Vive Noël!”
Et comme le dit Frédéric Ozanam, du nom de notre école :
“L'assistance devient honorable, parce qu'elle peut devenir mutuelle, parce que tout homme qui donne une parole, un avis, une consolation aujourd'hui, peut avoir besoin d'une parole, d'un avis, d'une consolation demain. L'assistance humilie si elle n'a rien de réciproque.”