Il y a un adage chinois qui dit :
"Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt".
Je me suis rendu compte que cette phrase résumait notre métier d'enseignant.
Et ce qui se passe en classe.
Tout d'abord l’enseignant représente le "sage".
Les élèves nous appellent maître ou maîtresse.
Cela nous convoque à une grande maîtrise de nous-même et de notre savoir.
Nous devons faire ce que nous disons et dire ce que nous faisons.
Cela s'appelle la congruence.
Sans quoi, l'imbécile ne regarderait pas le sage
Il le regarde car il a confiance en lui, il a établi une relation et donc respecte son travail.
C'est alors qu'il est prêt à prendre ce que le sage souhaite lui donner.
Presque tel quel ; sans discernement.
Il n'est pas tout de suite dans une position de doute.
"L'enfant apprend en croyant l'adulte, le doute vient après" nous dit Wittgenstein, philosophe et mathématicien autrichien du XXième siècle.
Dans un premier temps, il prend ce qu'il doit apprendre : ici c'est un doigt.
Mais il est imbécile.
Etymologiquement, imbécile veut dire "faible" en latin.
Il est imbécile, car il regarde le doigt et ne comprend pas le signe.
En fait il est incapable d'abstraction.
Face au symbole de la racine carrée, il ne saurait que faire.
On dira qu'il a un niveau faible.
Instruire l'imbécile, c'est lui faire apprendre le signe
C'est le passage à l'abstraction qui est la clé de l'éveil intellectuel.
Le signe de l'écriture permet la lecture et renforce le développement de l'imagination et de l'esprit critique.
Le signe mathématique permet le calcul et une maîtrise des phénomènes.
Il y a un chemin de l’apprentissage, inspiré par Jérôme Bruner, Britt-Marie Barth et Elisabeth Nuyts que j’emprunte toujours.
En voici les étapes :
Découvrir le profil de l’élève par l’observation : savoir ce qu’il aime, ce qui est important pour lui, sont de redoutables portes d’entrées. Le p’tit observatoire est là pour vous aider dans la prise de notes, le partage et la recherche de solutions.
Perceptions : entrer dans un sujet par les perceptions les plus variées. C'est la première étape de l'apprentissage qui passe par le corps. C’est le sens sensori-moteur.
Exemple : je sais distinguer des carrés et des rectangles qui sont sous mes yeux en deux paquets.
Evocation et logique : évoquer par la parole, en imageant, en se représentant dans la tête l’objet de travail et en établissant des liens logiques par comparaison, déduction, induction... C’est le sens visuel ou iconique.
Exemple : je sais représenter un rectangle sans l’avoir sous mes yeux.
L’abstraction : je traduis ce que j’ai compris par un symbole, des mots, un code. C’est le sens symbolique.
Exemple : je sais nommer le rectangle et ses propriétés.
La conscience : l’enfant est capable de transfert, de reconnaître l’objet étudié dans un autre contexte ou de créer ses propres exemples.
Exemple : sur le passage piéton, l’élève s’écrit : “ce sont des rectangles!”
En résumé, pour devenir autonome,
La relation de confiance au départ est une prémisse en vue de l'autonomie intellectuelle de l'enfant.
On parle beaucoup d'autonomie en éducation.
Et peu en instruction.
La dépendance intellectuelle me paraît majeure aujourd'hui.
Et lui montrer plus grand que soi.
Le doigt du sage ne désigne pas lui-même.
Ni ses pieds.
Il pointe la lune : un astre élevé, observable, mais inaccessible.
Alors,
Construisons-nous une relation de confiance en premier avant celle du doute ?
Notre apprentissage emprunte-t-il toutes les étapes du chemin des apprentissages ?
En classe, désignons-nous plus grand que nous ? Faisons-nous sentir quelque chose qui nous dépasse ?
À tel point qu’une fois la lune désignée, l’enfant se met en marche vers d’autres horizons ?
C’est l’objectif de notre année !
Alors bon courage pour cette rentrée; je suis de tout coeur avec vous !