Il y a deux ans, nous entrions dans le premier confinement.
Toutes les classes du territoire fermaient.
L'apprentissage se ferait à distance, quelque soit l'âge.
Il fallait équiper tout le monde en outils numériques, en logiciels Zoom, en ENT (Environnement Numérique de Travail).
C'était un moment historique.
C'était le 17 mars 2020.
Sorti de la salle de classe, je me suis mis à regarder des vidéos de cours déjà tout faits.
J'ai découvert des plateformes de mathématiques, permettant une différenciation magique.
J'ai découvert plein de cours d'histoire, de sciences, de géo complètement géniaux.
Des vidéos incroyables sur Napoléon, sur lesquelles les auteurs avaient dû passer des heures.
Elles étaient forcément mieux que les cours que j'avais l'habitude de donner.
Et dont je n’étais, pourtant, pas peu fier...
Alors, j'ai eu un petit moment de panique.
Après les chauffeurs de taxi, la restauration et un tas d'autres secteurs...
Je crus voir notre métier se faire ubériser, à son tour.
C’est-à-dire, rendre l'éducation accessible à faible coût par la digitalisation et la décentralisation des lieux de l'apprentissage.
Plus besoin de professeurs en classe - tous les cours et exercices sont disponibles en ligne.
Faits par les meilleurs professeurs du pays.
La proposition, alléchante, me semblait irrésistible.
Je me ferais peut-être bientôt remplacer.
Le confinement avançant,
J'ai vu la classe se déliter.
Les élèves décrochaient un à un.
Seuls les meilleurs avançaient.
C'était le système le plus inégalitaire qui soit.
Et voici le paradoxe du digital :
Les élèves étaient face au meilleur contenu académique.
Accessible depuis leur lit en un clic, disons sans effort !
Et pourtant ils n'adhéraient pas, ne retenaient pas, ne s'engageaient pas dans l'apprentissage.
Ils passaient à côté.
Je me suis mis à chercher pourquoi.
C'est tout de même l'affaire du siècle.
J'ai découvert ce que les neuroscientifiques appellent le "déficit vidéo".
C'est le fait que l'homme est beaucoup plus attiré par les relations humaines que par un écran et ce dès le plus jeune âge.
Par conséquent, c'est le fait de ne retenir que 5% d'un contenu vidéo pour un adulte au lieu de 50% pour une relation en présentiel.
J'ai lu que les MOOC n'avaient pas tenu leur promesse : éduquer ouvertement et massivement !
Même les MOOC de Harvard ont des taux d’abandons de 99%.
Ils sont restés utiles pour une minorité, comme nous l'indique Michel Desmurget, neuroscientifique :
« Le MOOC est comme un médicament ciblant une population spécifique. Quand il marche, il marche bien mais il marche pour une toute petite minorité : individus plus âgés, solidement éduqués, avec une excellente formation et possédant une combinaison d’autodiscipline et de motivation »
Ce n’est pas la promesse du “Massive Online Open Course”.
J'ai lu que le facteur enseignant était de loin le plus important.
Selon le directeur des études PISA, Andreas Schleicher :
« Les enseignants sont la plus importante ressource dans les écoles d’aujourd’hui. Contrairement à ce qui est souvent supposé, les systèmes scolaires hautement performants ne jouissent pas d’un privilège naturel venant d’un respect traditionnel accordé aux enseignants ; ils ont aussi construit une force d’enseignement de haute qualité grâce à des choix politiques délibérés, soigneusement mis en place dans la durée ».
Mais aussi que la numérisation des écoles n'était pas déterminante dans la réussite scolaire :
« Malgré des investissements considérables en ordinateurs, connexions internet et logiciels éducatifs, il y a peu de preuves solides montrant qu’un usage accru des ordinateurs par les élèves conduit à de meilleurs scores en mathématiques et en lecture. » Andreas Schleicher
Les sciences de l'éducation m'ont également éclairé.
Notre rôle est de rendre le savoir accessible à l'enfant.
C'est de le rendre proche, alors que la formule de l'aire d'un triangle, par exemple, lui semble très éloignée de son quotidien.
Voilà notre défi : incarner le savoir pour le faire vivre aux enfants.
Vygotski, grand pédagogue, parle de l'aire proximale de développement.
C'est cette zone en commun, entre le savoir que veut transmettre le professeur, et ce que sait déjà l'élève.
Seul le professeur, en classe, peut se placer dans cette zone, indispensable pour susciter le désir d'apprendre.
La réponse, je l'ai aussi trouvée en moi.
C'est la joie du présentiel, d'un métier fait de contacts, de relations.
Qui incarne le savoir et le rend proche de l'élève, ici et maintenant.
Nous ne pouvons penser l'avenir de notre métier sans nous engager dans une relation personnelle avec nos élèves.
Ni sans nous engager sur le terrain sur les questions éducatives et les relations entre les membres de ce groupe.
Sans quoi, nous ne sommes pas mieux qu'une chaine youtube.
Au delà des aspects éducatifs et relationnels.
Ayons comme cap de développer la pensée fine, c'est là notre valeur ajoutée par rapport au distanciel !
« Le développement d’une compréhension conceptuelle et d’une réflexion approfondie requiert des interactions intensives entre enseignants et élèves – un engagement humain précieux duquel la technologie peut parfois nous détourner ». Andreas Schleicher.
Nous avons le plus beau métier du monde.
Je suis revenu en cours avec cette conviction.
Ce métier est fait de contacts, de relations, de surprises, d'actions et de résultats concrets.
Soyons-en fier, défendons-le et vivons-le à fond.
Et souvenons-nous que le présentiel est un présent du ciel !
A retenir pour la classe :
- Une vidéo doit être commentée, relue et discutée.
- Pour une vidéo, plus il y a de pauses, plus la mémorisation du contenu sera importante.
- Préférez les intervenants aux films.
- Gardons le sourire en classe, il n'y a plus de masques !
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Magnifique ! çà tombe bien, je viens de commencer du soutien via Skype ...